Jacques Attali et le lobby du tabac
Par Erwan Le Vexier le mardi 8 février 2011, - Sciences et technologies - Lien permanent
Jacques Attali vient de lancer un pavé dans la marre en proposant l'arrêt pur et simple de la vente de tabac.
Dans son billet publié sur son blog, que je vous invite à lire si vous ne l'avez pas encore fait, l'économiste, écrivain et conseiller d'Etat honoraire s'attaque à un tabou en osant proposer l'interdiction totale du tabac.
Bien entendu, la prohibition ne sera pas la solution, on le voit bien avec la drogue. Le plus important dans le débat qui vient d'être ouvert c'est que soit mis en évidence l'hypocrisie d'un système qui n'a aucun sens. Il est tout à faire normal de dissuader les fumeurs de fumer car c'est mauvais pour leur santé mais il ne faut surtout pas retirer ce qui les tue... Pourtant il faut bien aller jusqu'au bout du raisonnement. Si le tabac est aussi nocif que cela est admis par tous alors permettre sa vente serait un crime...
Principe de précaution...
Je trouve que le patron des buralistes, Pascal Montredon, devrait mieux choisir ses mots lorsqu'il qualifie les écrits de Jacques Attali de "propos totalitaires" alors que la question concerne tout de même de produits toxiques contenant des substances cancérigènes parfois radioactives. Lorsqu'il a fallu abattre et brûler des troupeaux entier de vaches en raison d'une suspicion de "vache folle" personne n'a crié au "totalitarisme". Pourtant il ne s'agissait que d'une simple suspicion, sans preuve directe de la présence d'une maladie dont la transmission à l'homme n'a jamais été bien claire. Dans le cas du tabac on connaît les dégâts pour les fumeurs mais également pour leur entourage. Il est parfaitement admis que l'on "désamiante" les lieux et locaux estimés dangereux pour la santé. Là non plus personne n'a parlé de totalitarisme. Mais quand il s'agit de tabac on touche à un tabou. La cigarette aide à se sentir bien. Roselyne Bachelot, alors encore Ministre de la Santé avait déclaré que statistiquement les chômeurs fumaient davantage. Priver le citoyen de ce petit moment de "bonheur" serait une atteinte à sa liberté, malgré les études d'addiction au tabac. Alors plutôt que de le priver on préfère lui soutirer toujours plus d'argent en augmentant les taxes... Oui mais pour "son bien". L'Etat culpabilise les fumeurs à grands renforts de campagnes publicitaires coûteuses, "fumer c'est mal!", "fumer tue", "fumer est mauvais pour votre santé" sous prétexte de les inciter à arrêter de fumer mais pas de consommer.
Protection des libertés ou des intérêts?
Il est intéressant de souligner que Jacques Attali a lancé cette idée en partant d'une comparaison avec le scandale du Médiator. Un médicament finalement plus dangereux qu'utile. Dans cette affaire, le laboratoire pharmaceutique a été stigmatisé. Mais cela ne doit pas faire oublier une chose essentielle. Un médicament comme le Médiator (et ses petits camarades) ne pouvait être vendu sans les feux verts officiels émanant de l'Etat. Il en est de même pour le tabac. Seuls les intérêts financiers priment dans ces deux cas. Il m'est difficile de ne pas me remémorer des événements dont j'ai été témoin concernant des avancées en matière de thérapies qui ont été tuées dans l'oeuf pour protéger certains de ces mêmes intérêts financiers. Une phrase qui circulaient dans les milieux médicaux il y a bien des années disait "le cancer fait vivre plus de personnes qu'il n'en tue". Cela résume parfaitement le levé de boucliers provoqué par les propos de Jacques Attali.
On peut simplement s'étonner et se demander pourquoi Jacques Attali lance cette idée seulement en 2011 alors qu'il a été depuis bien longtemps le conseiller de nombreuses personnes influentes, y compris d'un Président de la République (de 1981 à 1991).